samedi 21 août 2010

Voyage au coeur de l'autre Bogota

Vendredi. C'est aujourd'hui que je réalise l'un des projets qui me tenaient vraiment à coeur en venant ici, en Colombie. Aller rencontrer Sandra Liliana Sanchez, une jeune colombienne de 24 ans qui a mis sur pied la Fundacion Oasis, un centre de jour venant en aide aux enfants et aux personnes âgées du quartier El paraiso de Ciudad Bolivar.

J'avais été très touchée par le récit que faisait cette jeune fille sensible et déterminée dans son livre Les oubliés de Bogota. Lorsque à 7 ans, Sandra et sa famille ont dû s'établir dans le quartier El Paraiso de Ciudad Bolivar, ce fut pour elle un véritable choc. Mais rapidement, elle a remué ciel et terre pour venir en aide aux gens de son voisinage, sensibilisant maire et députés aux besoins de son école, organisant des repas communautaires pour contrer l'isolement et favoriser les échanges entre jeunes et personnes âgées. Et elle a fait tellement plus encore.

Au cours des derniers mois, j'avais  communiqué avec elle par Internet, lui demandant s'il était possible de la rencontrer.  Je souhaitais découvrir un autre visage de Bogota. Un visage différent de l'opulence qui caractérise le quartier Usaquen où nous résidons. Je voulais apporter ma petite contribution, si minime soit-elle. Je souhaitais enfin que Mathilde et Ana Maria soient en contact avec la réalité de gens extrêmement démunis au plan matériel mais solidaires malgré tout. J'ai donc organisé une petite collecte à l'hôpital où je travaille et j'ai pu ainsi apporter une poche contenant jeux de sociétés et vêtements. Merci, en passant, à ceux et celles qui ont répondu à mon appel.

Ciudad Bolivar, au-delà des préjugés
Situé à l'extrême sud de Bogota, Ciudad Bolivar s'est notamment développé dans les années '80 avec l'arrivée massive de familles fuyant la violence qui sévissait dans les zones rurales du pays. Incapables financièrement de louer un logement  dans la capitale, ces nouveaux résidents se sont installés sur un bout de terrain, bricolant une habitation avec ce qu'ils pouvaient dénicher. Difficile de préciser le nombre d'habitants à Ciudad Bolivar puisque plusieurs d'entre eux ne sont tout simplement pas recensés par l'administration publique. On estime néanmoins qu'ils sont de 1 à 2 millions. Alors qu'à New York la densité est de moins de 10 000 habitants par kilomètre carré,  elle est de 46 900 dans le quartier le plus peuplé de Ciudad Bolivar!

La plupart des Bogotanais n'y ont jamais mis les pieds.  Lorsque avons avons demandé au  chauffeur de taxi de nous conduire au Portal Del Tunal (station d'autobus Transmilenio où devait nous rejoindre Sandra), il était étonné, nous disant que rares sont les étrangers à aller dans cette partie de la ville. Il l'était encore plus lorsque nous lui avons dit que nous nous rendions en fait à  Ciudad Bolivar.

Le trajet de la pension au Portal Del Tunal a nécessité une bonne quarantaine de minutes. Moderne, l'entrée principal du Portal Del Tunal ressemble à nos stations de métro. Rien d'insécurisant jusqu'à maintenant. C'est lorsque j'ai aperçu au loin les milliers de maisonnettes accrochées à flanc de montagne que j'ai été ébranlée. Quand j'ai lu Les oubliés de Bogota, j'ai bien tenté d'imaginer cet univers très particulier que découvrait avec détresse Sandra du haut de ses sept ans, à son arrivée dans Ciudad Bolivar.   Maintenant, c'était là devant mes yeux.

A l'avant-plan, la station du Transmilenio (transport public) et à l'arrière-plan, Ciudad Bolivar dans les montagnes.

Sandra est venue nous rejoindre au Portal. J'étais ravie de pouvoir enfin la rencontrer. C'est une jeune femme chaleureuse et ouverte. Tous ensemble, nous avons pris un autobus bondé qui a grimpé, grimpé sur une route sinueuse  pour nous conduire à El Paraiso, 30 minutes plus tard. Tout le long du trajet, nous avons discuté, de notre famille, de sa vie à Ciudad Bolivar et de cet indescriptible quartier qui a changé au fil des ans.


L'autobus qui nous a conduit à El Paraiso



Sur la route conduisant à la Fundacion Oasis
Je m'attendais à mettre les pieds dans un véritable bidonville, puisque c'est souvent ainsi qu'on décrit Ciudad Bolivar. A ma grande surprise,  j'ai découvert un quartier extrêmement modeste mais urbanisé, relativement organisé, avec beaucoup de petits commerces, des écoles et même, un hôpital moderne construit tout récemment. Sandra m'a expliqué que El Paraiso et Ciudad Bolivar changent. Parfois pour le mieux, comme avec les nouvelles infrastructures qui s'y sont développés. Aujourd'hui par exemple, la plupart des maisons ont l'électricité et l'eau courante, ce qui n'était pas le cas lorsque Sandra s'y est établie il y a 17 ans.  Toutefois on devine que certaines habitations de fortune, construites un peu en retrait, en sont dépourvues.

En contrepartie, le flux continuel de nouveaux arrivants fait en sorte que l'esprit de solidarité qui caractérisait El Paraiso autrefois n'est plus le même. Un certain anonymat s'y est installé. Et puis, Sandra a convenu que la violence existe. En soirée, il peut être téméraire de s'y aventurer.

Quelle animation dans les rues! Partout, de petits commerçants,  des gens, des chiens errants... Après être descendus de l'autobus, nous avons encore marché quelques minutes sur une petite rue de terre battue pour enfin arriver à la Fundacion Oasis. Au passage, Sandra s'est arrêtée pour prendre des nouvelles d'une personne âgée, pour adresser un bonjour chaleureux à  une jeune femme. Tout le monde semble la connaître ici. 

Une fois sur place, Sandra nous a fait faire un tour sommaire de la Fundacion, nous parlant des services et des activités qui y sont offerts. Chaque jour, Oasis sert des déjeuners et des dîners à une cinquantaine d'enfants ainsi qu'à des personnes âgés démunies. Des cours de langue et de musique sont également proposés aux jeunes. Depuis quelques mois, les résidents du quartiers peuvent aussi profiter d'une bibliothèque mise sur pied grâce à la collaboration d'un couple de Français, Marc et Isabelle, que j'ai connus par Internet, et grâce à qui j'ai pu obtenir les coordonnées de Sandra.

Nous avons croisé des femmes travaillant à la cuisine, ainsi qu'un Anglais et un jeune couple d'Américains venus à la Fundacion Oasis pour y faire du bénévolat. Lorsque nous sommes redescendus au 1er étage, plusieurs personnes âgées (les ''anciens'' comme les appelle Sandra) étaient attablés devant un repas chaud. Des gens durement marqués par la vie, c'était visible, mais avec une telle chaleur dans les yeux. Et une sincérité réelle dans chaque poignée de main.  Un beau moment.

Sandra et toute la famille devant la Fundacion Oasis
Avec Sandra, quelques bénévoles et quelques anciens qui fréquentent Oasis.
Devant la Fundacion, Ana Maria s'est prise d'affection pour un chien.
Après notre visite, quelques minutes de marche sont nécessaires pour retourner à l'arrêt d'autobus.

En attendant l'autobus qui nous ramènera au Portal Del Tunal, petit moment de contrariété pour Marthin.
Dur, dur, le voyage en autobus...

Sur le chemin du retour...

Je tiens à remercier tout particulièrement mon fidèle compagnon de route, Guy, qui a tenu à partager cette aventure un peu folle avec moi bien qu'il se remettait à peine d'un virus plutôt féroce.

A Sandra et aux résidents de El Paraiso, merci de m'avoir accueillie si chaleureusement. Désormais, vous avez une place dans mon coeur.

9 commentaires:

  1. Wow ! Vraiment j'ai lu ton texte avec beaucoup d'intérêt. Premièrement parce que tu écris vraiment très bien et deuxièment parce que bien que le séjour d'adoption se déroule dans les quartiers plus aisés, je crois qu'il ne faut pas oublier certaines réalités de la Colombie qui ont aussi souvent été les réalités de nos enfants colombiens.

    Ta témérité m'impressionne, moi qui suis stressée de séjournée à Usaquen !!! Depuis le début du voyage je trouve que vous avez l'air de vous sentir tellement à l'aise dans ce beau pays. J'essaie de faire fi de tout ce qu'on entend sur les mauvais côtés de la Colombie, et de lire votre blog m'encourage à laissé de côté mes inquiétudes afin de profiter pleinement de ce magnifique pays.

    Vous êtes des gens très intéressants, très ouverts, j'espère avoir la chance de vous croiser....

    à bientôt
    et merci encore pour ce beau et enrichissant partage


    Julie
    p.s. la photo d'Ana Maria avec le chien est vraiment géniale, les couleurs sont très belles

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  2. Très touchant comme texte...j'en ai eu les larmes aux yeux.En tant que parents, vous ne pouvez donner meilleur leçon de vie à vos enfants. Remettre les valeurs à la bonne place. Félicitations, je suis fière de vous et surtout de toi Cristine. Tu as su aller au bout de ton rêve. À bientôt.
    Je vous aime Mich xxx

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  3. Bonjour Julie et Olivier,

    Je vous remercie de prendre le temps de m'écrire sur le blog. Moi aussi, je souhaiterais vous rencontrer. J'aurais aimé que ce soit ici, à Bogota. Mais il faudrait que vous arriviez vite car, bien que j'aime beaucoup la Colombie, je ne tiens pas à rester encore 5 semaines (surtout sans Guy et les filles)...

    Vous imaginez bien que j'avais pris mes renseignements avant de me rendre à Ciudad Bolivar. Je ne voulais quand même pas faire courir de risques à ma famille. C'est Isabelle, la Française qui est venue en mars pour le projet de bibliothèque, qui m'a rassurée et qui a proposé de donner rendez-vous à Sandra au Portal del Tunel. (Je suis quand même restée discrète quant à mon projet pour ne pas alarmer inutilement certains personnes). En aucun, aucun moment, je n'ai ressenti la moindre insécurité, ni la moindre trace d'agression. Même quand on a pris l'autobus de retour, seuls. Honnêtement, si ce n'était pas aussi loin, j'y retournerais volontiers.

    Pour ce qui est des photos, je n'avais pris que l'appareil compact, histoire d'être discrète. Évidemment, le résultat n'est pas le même qu'avec le Reflex mais bon, dans les circonstances, on s'en satisfait.

    Je vous souhaite de connaître très vite votre date de départ.

    Kristine

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  4. Allo Michèle,

    C'est toujours un plaisir de te lire. Tu sais, j'ai la chance d'avoir une famille de bons voyageurs. Et je ne parle pas seulement de Guy. Les enfants, Marthin inclus, sont curieux et aiment découvrir de nouveaux horizons.

    J'ai hâte de te revoir. Je t'embrasse

    Kristine

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  5. bravo. les mots m'en manquent

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  6. Bonjour à vous tous,
    Je suis tombée sur votre site par hasard car je cherche à contacter Sandra. J'aimerai lui rendre visite en Aout lors de notre voyage.
    J'ai 32 ans et j'ai été adoptée lorsque j'avais 10 ans, je suis émue car je retourne en Colombie après toutes ces années! L'adoption est une incroyable aventure humaine. Je suis très fière de mon histoire et de mes parents qui n'ont sauvé la vie! Bravo à vous petite tribut pour cette générosité et votre altruisme.
    Si je peux je mettrai un petit commentaire pour vous dire mon sentiment sur mes retrouvailles avec mon cher et tendre pays!
    Portez heureux
    Flore

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    1. Je viens de trouver votre message un peu par hasard (je ne retourne pas très souvent sur le Blog). Que d'émotions en vue vous vivrez! J'aimerais beaucoup vous lire. Je pense à mes enfants et à leur possible retour. Dans quel pays vivez-vous maintenant?

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    2. Je suis rentrée il y a une semaine et je dois avouer que mon esprit a du mal à revenir de Colombie.
      (Je vis à côté de Paris!)
      Comme vous dites, ce voyage a été rempli d'émotions:
      Je suis partie avec mon "amoureux" qui est aussi un enfant adopté et du même orphelinat que moi.... Bref une histoire incroyablement MERVEILLEUSE!
      Lorsque nous sommes arrivés sur le sol colombien je me sentais comme en lévitation, mon cœur battait très très fort et je n'ai pas pu retenir mes larmes, nous retrouvions notre pays après 22 ans! L'émotion était à son comble lorsque nous sommes retourné dans le village où j'ai passé une partie de mon enfance! J'ai retrouvé la dame qui s'était occupée de moi avant mon adoption, elle se rappelait de moi si bien, elle a redessiné la petite fille que j'étais car je l'avais oubliée... C'est un voyage qui m'a donné envie de me connaitre plus et aussi qui m'a rapprochée encore plus de mon fiancé: beaucoup de points positifs!
      Le départ a été dur mais nous avions la tête remplie de souvenirs (tous frais...).
      Je suis très heureuse de ce voyage, nous avons déjà prévu de repartir dans 2 ans...
      Au plaisir de vous lire
      Flore

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    3. Cela fait quelques temps que je ne suis pas allé sur votre blog, et je vois que vous non plus mais je vous laisse ce petit mot:
      Suite à notre voyage en Colombie en 2013 nous avons décidé d'avoir un bébé! Aujourd'hui je suis enceinte de 7 mois et nous attendons avec grande impatience notre petit garçon qui devrait arrivé mi-mars.
      A notre tour nous entamons une nouvelle page de vie en tant que parents. Nous avons eu beaucoup d'appréhension mais nous avons pris conscience que nous ne sommes pas obligés d'aller sur les même traces que nos parents biologiques...
      L'une des choses les plus troublantes est de penser que nous allons avoir un bébé qui va nous ressembler, il va pouvoir s'identifier à, nous et nous à lui...

      Voilà une petite pensée pour vous en espérant que vous allez tous bien.

      Au plaisir de vous lire
      Flore

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